jeudi 11 août 2011

Sorry for the delays

Starting Sunday, August 14, until Tuesday, September 6, I may be slow commenting or answering comments since I will be away to Europe (First time ever in my life, so it's about time).  My faithful minicomputer will follow me but WiFi is not available everywhere along the way.  Whenever I can, I'll keep in touch.
See you later, au revoir, arrivederci.

lundi 8 août 2011

Mémoires...

Chapitre 8 : Les années floues

(1951-1954)

Le Noviciat des Pères Oblats, à Chambly, offrait un accueil impressionnant.  Ses 5 ou 6 étages, son allée menant, au bout d’un parc, au portail de la vaste structure en U ouvrant ses bras à toute cette jeunesse venue s’y blottir, donnait un sentiment de paix et de sérénité.  L e hall d’entrée, si je me souviens bien, était majestueux avec ses marbres et son éclairage tout en douceur.  Le silence vous enveloppait de ouate et forçait le recueillement.  Après la bienvenue, on me conduisit à ma chambre, appelée cellule dans le langage monastique.
La première semaine, les exercices liturgiques, la prise d’habit (laisser les vêtements laïcs pour la soutane), la prise de contact avec les nouveaux Frères, tout ce remue-ménage, laissaient peu de place à la véritable question : qu’est-ce que je suis venu faire ici?  Le véritable questionnement commença dans les semaines suivantes.  Les Offices à la chapelle, le travail à la bibliothèque, j’y avais été affecté, me donnait beaucoup de satisfaction, certes, mais rien de différent de celle que je ressentais à l’extérieur.  Côté spirituel, j’avais vécu des expériences plus intenses dans la forêt (un petit côté païen?) ou, même, lors de mes longues promenades solitaires dans le bruit de la ville ou dans l’effervescence des camps scouts.
Deux éléments me déplaisaient souverainement : le rituel de l’auto-flagellation du vendredi soir, si bénigne cette flagellation fut-elle, et la correction fraternelle présentée comme la fine fleur de la charité.  Il devint vite évident que cette « fine fleur » était truffée des épines des règlements de compte et de l’auto-promotion, la charité en prenait pour son rhume dans toutes ses dénonciations et ces blâmes pas toujours justifiés.  La discipline, c’est comme ça qu’on nommait l’auto-flagellation et le petit fouet de corde tressée dont on se servait pour le rituel, devait châtier le corps et apaiser les passions;  chez certains, elle les exacerbait plutôt, les passions.  Après deux mois et demi de ce régime, j’ai quitté la soutane et suis revenu à la vie laïque.  Entré le 28 juillet 1951, j’ai quitté à la mi-octobre.
Partir n’était pas le plus difficile.  La voie des études désormais fermée, il fallait gagner ma vie.  Au début des années 50, une dépression s’annonçait.  Les vétérans et les mis à pied de l’industrie de guerre inondaient le marché du travail.  J’avais une belle culture mais aucune formation spécifique ni expérience de travail.  Partout où j’allais, je me faisais dire que j’avais certes de belles connaissances mais pas celles que l’employeur recherchait ou encore : «Vous êtes trop instruit pour l’emploi que nous offrons, cela ne vous intéressera pas et vous ne resterez pas».  J’ai eu une petite phase dépressive, je l’avoue, devant ce cul-de-sac apparent.
Un jour, lors d’une rencontre de chefs scouts, un de mes ex-condisciples au collège me dit avoir peut-être un emploi pour moi.  La compagnie d’assurance qui l’employait cherchait quelqu’un pour l’aider dans son travail.  Il me présente à son patron qui me dit : «Si  J.-G. vous recommande, ça va.  Quand pouvez-vous commencer?»  Le lendemain, je commençais mon premier véritable emploi.  Notre service recevait et acheminait le courrier interne et externe, classait et recherchait les dossiers des assurés et fournissait les serviettes sanitaires pour la toilette des femmes.  Quand nous trouvions une note anonyme demandant une  boîte de sandwiches, nous déposions une boîte de ces serviettes sur une filière convenue…et tout le monde était heureux.  La beauté de la chose, cependant, c’était la presse rotative-couleurs dont la compagnie s’était dotée pour imprimer ses propres contrats d’assurance.
L’ami J.-G., avait été formé à opérer la machine et il était le seul à pouvoir le faire.  Il me forma à le faire aussi.  En 1951, la compagnie était la première à Montréal à posséder une telle machine.  Bientôt une compagnie voisine s’en procura une et, en l’espace de quelques mois, notre salaire doubla, ou presque.  Il suffisait de dire que tel gérant nous avait parlé et le tour était joué.  Essayez de faire ça aujourd’hui.
En septembre 1952, j’avais réussi à me mettre des sous de côté et je crus pouvoir m’inscrire à l’École normale Jacques-Cartier pour obtenir un brevet d’enseignement.  Évidemment, ma mère n’était pas d’accord, je ne ferais jamais un bon professeur, etc, etc…  J’y suis quand même allé.  J’y ai rencontré deux amis que je vois encore et un certain nombre de nationalistes exacerbés que je ne vois plus.  Les places étaient contingentées et ces bons chrétiens me taxaient de voler la place d’un VRAI Québécois. 
Les frais avaient beau être minimes, mes sous s’épuisaient quand même.  Je rencontrai le directeur pour lui demander une lettre de recommandation et un formulaire pour un Prêt d’honneur de la Société Saint-Jean-Baptiste.  Le brave me regarda avec un petit sourire en coin et déclara : «Mon Costopoulos, avec un nom comme le tien, ne perds pas ton temps à demander un prêt à la SSJB».  J’étais de retour sur le marché du travail.
Commis vendeur de vêtements pour hommes chez Eaton, le temps d’une vente de janvier, classeur et étiqueteur de livres à la librairie des Clercs de St-Viateur, ajusteur dans une compagnie d’assurances accident-maladie pour une compagnie qui ne payait à peu près jamais rien, tout ça entrecoupé de périodes de chômage plus ou moins longues, telle fut ma vie de 1953 à mars 1954 quand la chance me sourit enfin via mon aumônier scout.
De 1951 à 1954, si je n’ai pas sombré, c’est grâce au scoutisme qui fut ma stabilité, mon engagement, là où je me sentais utile à quelque chose; je me souviens encore avec émotion de cette période et je dois une fière chandelle à Robert Baden-Powell Lord Gillwell.
(à suivre...)

jeudi 4 août 2011

Mémoires...

Chapitre 7 : Les influences, de 0 à 20 ans

(en guise de parenthèse)
Un homme ne se fait pas seul.  Au cours de mes  20 premières années de vie, voici l’Équipe qui m’a aidé à devenir ce que je suis.
Mon père, même s’il nous a abandonné quand j’avais 10 ans, m’a quand même transmis la fierté de mes origines et de la culture grecque.  Il a éveillé ma curiosité et mon désir de voir plus loin que mon coin de pays.  Il m’a initié à la langue anglaise sans le vouloir vraiment, simplement en parlant anglais avec ma mère.
Ma mère, même très dévalorisante à mon égard, m’a tout de même appris à lire, écrire et un peu à compter (mais je n’étais pas très coopératif dans ce domaine).  Elle m’a transmis sa tête dure et son obstination.
Ma grand-mère m’a transmis le goût d’aimer et d’aider les autres, la clémence et le pardon.  Mon grand-père alcoolique ne lui rendait pas la vie facile, mais après 60 ans de mariage elle l’aimait toujours « son vieux malcommode », comme elle disait avec un petit sourire en coin.
Mon oncle Henri, le frère de maman et un peu beaucoup notre père substitut, m’a donné son humour un peu grinçant et son ironie; une forme, chez-lui, de s’affirmer et de dire : « Vous ne m’aurez pas ».
Mes frères, à leur insu, m’ont donné une certaine patience, une certaine tolérance et un grand besoin de justice, surtout distributive.  Étant l’aîné, je les ai souvent vus obtenir en même temps que moi des privilèges que j’avais attendus des années.  J’en ai conçu une profonde répulsion face à l’injustice et à l’inégalité.
Voilà, pour ma famille immédiate.
Quant aux influences extérieures, elles furent évidemment nombreuses et parfois déterminantes.
Vers 1938 ou 39, deux touristes américaines, des institutrices du Minnesota, après avoir causé avec moi et deux copains, en anglais, sur le quai de Chicoutimi, nous avaient promis de nous envoyer des livres.  Nous avions oublié cela, quand, en octobre ou novembre de cette année-là, nous avons reçu un paquet : les Minnesota Primers de 1ère, 2ième et 3ième  année du primaire.  Je les lus et relus  à les savoir par cœur.  J’avais les bases de la lecture et, un peu, de la grammaire anglaises.
Au collège, j’étais déjà bilingue et j’ai eu le privilège, pendant 6 années consécutives, d’avoir l’abbé Lachance comme prof d’anglais.  Il s’est vite rendu compte que je lisais pendant son cours, au lieu de s’en offusquer, il m’appela à son pupitre, avec Raoul Desjardins dont l’anglais était la langue maternelle, et nous dit que nous pouvions lire pendant son cours…mais qu’il choisirait lui-même nos lectures.  Bien sûr, nous devions faire les travaux et passer les examens comme tous les autres, mais quel merveilleux voyage il nous a fait faire à travers toutes les époques et les styles de la littérature anglaise.  D’où il est maintenant, il sait toute la reconnaissance que je lui voue.  Les larmes me viennent encore aux yeux en écrivant ceci.
M. Langis, dont j’ai parlé au cours du chapitre 6, m’a contraint, pour survivre à ses exigences,  à développer une méthode de travail qui m’a bien servi toute ma vie professionnelle et qui me sert encore.
Enfin, je ne voudrais pas terminer cette parenthèse sans mentionner l’abbé Labrecque, l’aumônier du Cercle des jeunes naturalistes, qui a su nourrir ma curiosité sur les questions de la nature et me donner une façon de chercher et de classer les découvertes.
L’abbé Saint-Georges, pendant 6 ans mon directeur de conscience, a su tempéré ma fougue mais sans l’étouffer et fut un bon contrepoids, avec ma grand-mère, à l’influence dévalorisante de ma mère qui me prédisait toujours l’échec de tout ce que j’entreprenais, me reprochant d’être trop comme mon père.
Ces gens m’ont aidé à me bâtir et je les en remercie, même ma mère qui m’a tout de même, par la lecture et l’écriture, donné la poutre qui m’a permis d’asseoir mes bases et de me développer.

lundi 1 août 2011

Mémoires...


Chapître 6 : vers où?


Le Cours Classique représentait le hall d’entrée d’une gare d’où partaient des trains vers plusieurs destinations; la ligne la plus fréquentée et la plus valorisée menait au sacerdoce.  De plus, sur cette ligne, les passagers recevaient de généreuses subventions.  Le climat politico-religieux et l’influence de l’Église Catholique créaient un terreau fertile et favorable à la croissance de la Vocation.  Rares les jeunes de cette période qui n’ont pas ressenti L’Appel, moi le premier.
Chez les sœurs de la Providence, j’avais pris goût au calme et à l’altruisme (bon je ne savais pas que cela s’appelait comme ça, mais cela me plaisait).  Au collège, rapidement, je me suis impliqué dans les activités parascolaires.  J’y trouvais un cercle que la xénophobie de mes camarades et mon manque d’argent me refusaient.  Mais au Cercle des Jeunes Naturalistes ou au Club cycliste les niveaux sociaux n’existaient pas.  La curiosité et la capacité d’apprendre ou de pédaler constituaient les seuls critères d’accessibilité.  L’enthousiasme et la disponibilité amenaient le reste.  En peu de temps, j’étais secrétaire du C.J.N., président du Club cycliste et responsable de la sécurité sur la route.  Pour un gars de 14 ans, j’étais QUELQU’UN.
Puis, je fus recruté pour servir la messe d’un de nos prêtres, tous les matins à 6h00 pendant toute l’année scolaire.  La Schola Cantorum suivit en Syntaxe, la deuxième année du cours. Le Grégorien, quelle pure jouissance, je le goûte encore énormément même si, sauf sur disque, j’ai peu d’occasion d’en entendre ou d’en chanter. L’année suivante, en Méthode, le scoutisme catholique, bien sûr, s’ajouta au reste, puis le Clan Routier, en Belles-Lettres. 
Les Belles-Lettres furent témoins d’une de mes très rares incartades.  Notre professeur de maths, M. Séguin, avait dû annuler un cours à cause d’une très vilaine grippe.  Nous avions été avisés que les deux premières heures de cours du lendemain seraient annulées si M. Séguin n’allait pas mieux.  Le lendemain matin, pas de M.  Séguin à la chapelle.  Sitôt nos messes terminées, deux collègues et moi sautons sur des téléphones pour aviser les autres de l’heureux évènement.  Seulement voilà, nous ignorions que la direction avait décidé de tenir un examen de maths, en blanc, pour remplacer le cours.  La salle était restée assez vide.  Nos profs ont-ils soupçonné les servants de messe? En tout cas, nous n’avons pas été interrogés ni dénoncés et aucune sanction ne s’en est suivie.
La Rhétorique nous donna l’occasion à Raoul D. et à moi de montrer notre grande sagacité.  Nous avions un prof de latin très sévère et intransigeant.  Cette année là, l’Énéïde nous offrait ses  richesses et ses tortures.  Pour l’examen final, M. Langis nous avait donné à étudier les 500 premiers vers de cette longue épopée.  Nous nous arrachions les cheveux.  Un soir, à la bibliothèque Shamrock, Raoul et moi nous sommes dits : « Langis est bête…mais pas stupide ».  De nous remémorer alors les cours de l’année : peu de par cœur, mais une grande insistance sur les notes explicatives en pied de page.  Dès lors, nous avons mis de côté le par cœur et nous sommes concentrés sur les notes.   Le matin de l’annonce des résultats, M. Langis est entré solennellement, mauvais signe, a lancé sa brassée de livres sur son pupitre et , catastrophe assurée, a levé les bras au ciel en lançant son traditionnel : « Messieurs, il ne nous reste plus qu’à tirer l’échelle et aller élever des poules…nous n’avons que deux élèves intelligents dans cette classe…(grand silence) Desjardins, Costopoulos, 80% les autres, que je ne nommerai pas, tous en bas de 34%. »  Les AUTRES voulaient nous tuer.
Après 6 ans, de 101 qui avions pris le départ nous n’étions plus que 33, y compris 3 ou 4 additions en cours de route.  D’autres départs auraient lieu en juin dont le mien.  En effet, les examens du baccalauréat  ès lettres et ès sciences constituaient une occasion importante d’élimination, de plus, les départs pour les noviciats de diverses communautés religieuses s’ajoutaient aux échecs.  J’avais raté mes maths mais mon entrée au noviciat des Oblats de Marie Immaculée ne s’en trouva pas compromise.  Cependant, notre préfet des études, M. Viau, m’avait sérieusement averti : « Costopoulos, si vous ne persistez pas chez les Oblats, vous irez finir vos études ailleurs qu’ici.  Bonne chance, je prie pour vous ».
À la mi-juillet, j’entrai au Noviciat des Oblats à Richelieu où nous étions bercés par le chant du Richelieu cascadant du bassin de Chambly.  Un autre chapitre s’ouvrait.

 (À suivre...)