lundi 1 août 2011

Mémoires...


Chapître 6 : vers où?


Le Cours Classique représentait le hall d’entrée d’une gare d’où partaient des trains vers plusieurs destinations; la ligne la plus fréquentée et la plus valorisée menait au sacerdoce.  De plus, sur cette ligne, les passagers recevaient de généreuses subventions.  Le climat politico-religieux et l’influence de l’Église Catholique créaient un terreau fertile et favorable à la croissance de la Vocation.  Rares les jeunes de cette période qui n’ont pas ressenti L’Appel, moi le premier.
Chez les sœurs de la Providence, j’avais pris goût au calme et à l’altruisme (bon je ne savais pas que cela s’appelait comme ça, mais cela me plaisait).  Au collège, rapidement, je me suis impliqué dans les activités parascolaires.  J’y trouvais un cercle que la xénophobie de mes camarades et mon manque d’argent me refusaient.  Mais au Cercle des Jeunes Naturalistes ou au Club cycliste les niveaux sociaux n’existaient pas.  La curiosité et la capacité d’apprendre ou de pédaler constituaient les seuls critères d’accessibilité.  L’enthousiasme et la disponibilité amenaient le reste.  En peu de temps, j’étais secrétaire du C.J.N., président du Club cycliste et responsable de la sécurité sur la route.  Pour un gars de 14 ans, j’étais QUELQU’UN.
Puis, je fus recruté pour servir la messe d’un de nos prêtres, tous les matins à 6h00 pendant toute l’année scolaire.  La Schola Cantorum suivit en Syntaxe, la deuxième année du cours. Le Grégorien, quelle pure jouissance, je le goûte encore énormément même si, sauf sur disque, j’ai peu d’occasion d’en entendre ou d’en chanter. L’année suivante, en Méthode, le scoutisme catholique, bien sûr, s’ajouta au reste, puis le Clan Routier, en Belles-Lettres. 
Les Belles-Lettres furent témoins d’une de mes très rares incartades.  Notre professeur de maths, M. Séguin, avait dû annuler un cours à cause d’une très vilaine grippe.  Nous avions été avisés que les deux premières heures de cours du lendemain seraient annulées si M. Séguin n’allait pas mieux.  Le lendemain matin, pas de M.  Séguin à la chapelle.  Sitôt nos messes terminées, deux collègues et moi sautons sur des téléphones pour aviser les autres de l’heureux évènement.  Seulement voilà, nous ignorions que la direction avait décidé de tenir un examen de maths, en blanc, pour remplacer le cours.  La salle était restée assez vide.  Nos profs ont-ils soupçonné les servants de messe? En tout cas, nous n’avons pas été interrogés ni dénoncés et aucune sanction ne s’en est suivie.
La Rhétorique nous donna l’occasion à Raoul D. et à moi de montrer notre grande sagacité.  Nous avions un prof de latin très sévère et intransigeant.  Cette année là, l’Énéïde nous offrait ses  richesses et ses tortures.  Pour l’examen final, M. Langis nous avait donné à étudier les 500 premiers vers de cette longue épopée.  Nous nous arrachions les cheveux.  Un soir, à la bibliothèque Shamrock, Raoul et moi nous sommes dits : « Langis est bête…mais pas stupide ».  De nous remémorer alors les cours de l’année : peu de par cœur, mais une grande insistance sur les notes explicatives en pied de page.  Dès lors, nous avons mis de côté le par cœur et nous sommes concentrés sur les notes.   Le matin de l’annonce des résultats, M. Langis est entré solennellement, mauvais signe, a lancé sa brassée de livres sur son pupitre et , catastrophe assurée, a levé les bras au ciel en lançant son traditionnel : « Messieurs, il ne nous reste plus qu’à tirer l’échelle et aller élever des poules…nous n’avons que deux élèves intelligents dans cette classe…(grand silence) Desjardins, Costopoulos, 80% les autres, que je ne nommerai pas, tous en bas de 34%. »  Les AUTRES voulaient nous tuer.
Après 6 ans, de 101 qui avions pris le départ nous n’étions plus que 33, y compris 3 ou 4 additions en cours de route.  D’autres départs auraient lieu en juin dont le mien.  En effet, les examens du baccalauréat  ès lettres et ès sciences constituaient une occasion importante d’élimination, de plus, les départs pour les noviciats de diverses communautés religieuses s’ajoutaient aux échecs.  J’avais raté mes maths mais mon entrée au noviciat des Oblats de Marie Immaculée ne s’en trouva pas compromise.  Cependant, notre préfet des études, M. Viau, m’avait sérieusement averti : « Costopoulos, si vous ne persistez pas chez les Oblats, vous irez finir vos études ailleurs qu’ici.  Bonne chance, je prie pour vous ».
À la mi-juillet, j’entrai au Noviciat des Oblats à Richelieu où nous étions bercés par le chant du Richelieu cascadant du bassin de Chambly.  Un autre chapitre s’ouvrait.

 (À suivre...)