lundi 26 octobre 2009

Autour d'une peinture

Biscornu!
                        1947, fini la guerre, même en Asie.  L’imagination peut retravailler.  Au collège, élève de Philo I, Jehan-Marc Léger, pas encore secrétaire de la Francophonie et encore moins délégué du Québec à Paris, publie un poème dans les pages de « Le Grasset ».   Sa prose dans laquelle les vers s’étaient mis s’intitulait  Spleen.  En voici les premiers mots, j’ai oublié le reste : « Spleen, vache hennissante au haut d’un  escalier en spirale avec le vide au bout, … ».  Le reste était à l’avenant, je ne sache pas qu’il ait récidivé, en tout cas, pas au collège.

La « Still Life with Red Chair » de Mme Caiserman-Roth, peinte en 1947, m’a remémoré ce texte et l’époque.  Dans notre si tranquille société tout commençait à se déguinglander, lentement mais sûrement, sous l’influence des retours de guerre et de l’immigration.  En observant la peinture, on se demande comment les objets ne glissent pas par terre.  Tout est rabattu et la gravité est mise à rude épreuve.  Signe des temps?

Je suis de la génération de la Révolution Tranquille et le supérieur du collège avait réuni tous les élèves, même les philosophes, qu’on ne voyait jamais, dans la salle d’étude des grands, versification, belles-lettres et rhétorique, pour nous aviser, quand nous critiquions le gouvernement dans les tramways et autobus, de parler moins fort car il avait été averti d’un retrait des subventions du collège…si nous persistions.  Vive la liberté d’expression!  Dans un tel climat, les Léger et Caiserman-Roth ont été des héros.

Au même moment et dans les mêmes corridors de Grasset, un gars timide, en Philo I lui aussi, rasait les murs et ne faisait pas de vagues…mais il écrivait et gardait ses écrits pour lui.  Un jour, Marc Favreau deviendrait SOL.  Mes enfants n’oublieront jamais l’émission Sol et Gobelet et son thème : « Sol et Gobelet sont de drôles de pistolets ».  Est-ce Sol, Gobelet ou un autre membre de l’émission qui aurait vu Still Life with Red Chair? Toujours est-il qu’un jour Gobelet reçoit une peinture en cadeau.  Aussitôt on l’accroche au mur…mais le cadre est accroché croche. 

Une grave discussion s’engage.  Que faire?  Les deux compères décident de corriger la situation…en baissant un côté du plancher.  Le cadre est maintenant droit mais la fenêtre est croche. On la rend parallèle au cadre et ainsi de suite pour tout, le cadre devenant le point de référence absolu.  J’ignore s’il existe toujours, mais, au musée des sciences et de la technologie d’Ottawa on trouvait un kiosque : une pièce de maison complètement meublé mais inclinée à 30 degrés.  Nos enfants l’avaient baptisée « la maison de Sol et Gobelet ».  Seule l’armée pouvait les sortir de là une fois entrés.  J’ai l’intime conviction que Mme Caiserman-Roth a eu quelque chose à voir là dedans.     
Paul Costopoulos, mercredi, 21 octobre 2009