Cas de conscience
Un secret total, jusqu’au début de 1980, entourait un dossier d’adoption. La mère donnante était assurée de la confidentialité absolue de sa démarche. Jamais son identité ne serait révélée et elle ne connaîtrait jamais le sort de son enfant. La famille adoptive savait que jamais les parents biologiques ne débarqueraient, à l’improviste, chez elle.
Au début des années 1980, sous la pression des mouvements tels Les Retrouvailles, le gouvernement du Québec amenda le Code Civil et permit la divulgation du dossier à certaines conditions : la mère biologique, le père aussi s’il était connu, consentait, par écrit, à donner accès au dossier à son enfant biologique majeur, s’il le demandait. À défaut de ce consentement le dossier demeurait scellé. L’enfant majeur pouvait mêmement consentir à être mis en contact avec eux si les parents biologiques le recherchaient. Sans ce consentement, l’accès était refusé.
Depuis toujours nous avions assuré nos clientes et clients de l’inviolabilité de leur secret. Pour nous ce fut un choc…et un cas de conscience, mais nous n’avions pas le choix. Il échut à ma direction de bâtir les outils pour permettre ces recherches et je me chargeai de leur expérimentation. C’est ainsi qu’un bon matin une mignonne adolescente de 19 ans débarqua dans mon bureau. Elle cherchait sa mère. Le mouvement Retrouvailles avait épuisé ses ressources et l’avait référée à l’agence de sa région.
Elle savait déjà être née à la Miséricorde et avoir été confiée au Service Social diocésain de St-Jérôme. J’avais en main les dossiers de St-Jérôme. Je lui dis que je chercherais et que je lui en reparlerais en temps et lieu…mais d’être patiente. L’intervenante au dossier travaillait encore dans la région. Notre rencontre fut difficile. Elle refusait de collaborer car elle considérait violer la confiance mise en elle par la mère…et je la comprenais, n’étant pas, moi-même, très à l’aise avec cette nouvelle loi.
Via les archives j’ai trouvé le dossier, ils sont conservés cent ans. Les documents étaient succints et des détails semblaient étranges. Quelque chose ne faisait pas de sens. Après vérification des dates au dossier et de certaines mentions quant au milieu d’origine de la mère je suis retourné voir l’intervenante. Elle m’apprit alors que les dossiers de l’agence du temps étaient systématiquement falsifiés pour confondre les chercheurs indiscrets et préserver la confidentialité. Elle m’indiqua pourtant que l’occupation du père de la mère biologique était exact…mais pas l’endroit où il l’exerçait. « J’en ai assez dit, j’en ai déjà trop dit » et elle mit fin à notre rencontre.
Ce détail m’ouvrit la voie malgré tout. Dates, occupation du père, genre d’activité exercée, J’avais quelques pièces du puzzle. Fallait trouver les autres. Finalement en causant avec des gens qui connaissaient bien le milieu et son histoire, en identifiant les entreprises semblables à celle du père de la mère et leur localisation, j’ai pu cerner une entreprise, un chef d’entreprise, retracer sa famille et établir qu’il avait une fille dont l’âge correspondrait à celui de la mère biologique recherchée. Une femme du même nom habitait encore à l’endroit mentionné dans le dossier d’adoption.
La partie délicate commençait : la prise de contact. Après réflexion et consultation de mes collègues, j’ai opté pour une lettre enregistrée, ou recommandée comme on dit maintenant, avec reçu de réception. La lettre n’est jamais revenue et le reçu m’a été remis. J’avais vu juste…mais, manifestement, la personne ne consentait pas à la divulgation car elle ne répondit pas à mon appel.
J’ai dû avouer à la jeune fille en larme que le secret devait être maintenu.
Un secret total, jusqu’au début de 1980, entourait un dossier d’adoption. La mère donnante était assurée de la confidentialité absolue de sa démarche. Jamais son identité ne serait révélée et elle ne connaîtrait jamais le sort de son enfant. La famille adoptive savait que jamais les parents biologiques ne débarqueraient, à l’improviste, chez elle.
Au début des années 1980, sous la pression des mouvements tels Les Retrouvailles, le gouvernement du Québec amenda le Code Civil et permit la divulgation du dossier à certaines conditions : la mère biologique, le père aussi s’il était connu, consentait, par écrit, à donner accès au dossier à son enfant biologique majeur, s’il le demandait. À défaut de ce consentement le dossier demeurait scellé. L’enfant majeur pouvait mêmement consentir à être mis en contact avec eux si les parents biologiques le recherchaient. Sans ce consentement, l’accès était refusé.
Depuis toujours nous avions assuré nos clientes et clients de l’inviolabilité de leur secret. Pour nous ce fut un choc…et un cas de conscience, mais nous n’avions pas le choix. Il échut à ma direction de bâtir les outils pour permettre ces recherches et je me chargeai de leur expérimentation. C’est ainsi qu’un bon matin une mignonne adolescente de 19 ans débarqua dans mon bureau. Elle cherchait sa mère. Le mouvement Retrouvailles avait épuisé ses ressources et l’avait référée à l’agence de sa région.
Elle savait déjà être née à la Miséricorde et avoir été confiée au Service Social diocésain de St-Jérôme. J’avais en main les dossiers de St-Jérôme. Je lui dis que je chercherais et que je lui en reparlerais en temps et lieu…mais d’être patiente. L’intervenante au dossier travaillait encore dans la région. Notre rencontre fut difficile. Elle refusait de collaborer car elle considérait violer la confiance mise en elle par la mère…et je la comprenais, n’étant pas, moi-même, très à l’aise avec cette nouvelle loi.
Via les archives j’ai trouvé le dossier, ils sont conservés cent ans. Les documents étaient succints et des détails semblaient étranges. Quelque chose ne faisait pas de sens. Après vérification des dates au dossier et de certaines mentions quant au milieu d’origine de la mère je suis retourné voir l’intervenante. Elle m’apprit alors que les dossiers de l’agence du temps étaient systématiquement falsifiés pour confondre les chercheurs indiscrets et préserver la confidentialité. Elle m’indiqua pourtant que l’occupation du père de la mère biologique était exact…mais pas l’endroit où il l’exerçait. « J’en ai assez dit, j’en ai déjà trop dit » et elle mit fin à notre rencontre.
Ce détail m’ouvrit la voie malgré tout. Dates, occupation du père, genre d’activité exercée, J’avais quelques pièces du puzzle. Fallait trouver les autres. Finalement en causant avec des gens qui connaissaient bien le milieu et son histoire, en identifiant les entreprises semblables à celle du père de la mère et leur localisation, j’ai pu cerner une entreprise, un chef d’entreprise, retracer sa famille et établir qu’il avait une fille dont l’âge correspondrait à celui de la mère biologique recherchée. Une femme du même nom habitait encore à l’endroit mentionné dans le dossier d’adoption.
La partie délicate commençait : la prise de contact. Après réflexion et consultation de mes collègues, j’ai opté pour une lettre enregistrée, ou recommandée comme on dit maintenant, avec reçu de réception. La lettre n’est jamais revenue et le reçu m’a été remis. J’avais vu juste…mais, manifestement, la personne ne consentait pas à la divulgation car elle ne répondit pas à mon appel.
J’ai dû avouer à la jeune fille en larme que le secret devait être maintenu.