samedi 16 janvier 2010

Une légende inventée

Une légende inventée

LA LÉGENDE DU COLIBRI

Paul Costopoulos

Le sculpteur André Sandel accompagne une sculpture exposée au Parc des Trois Bérets, à St-Jean-Port-Joli, de la légende suivante:

«Un Colibri pourchassé par 20 000 maringouins cherchait un endroit où se réfugier. Il vit un camp démoustiqué habité par des fées nudistes. L'une d'elles l'aperçut et le prit sous son aile pour le protéger. »

M. Sandel a été mal informé, sauf le respect que je lui dois.

Permettez-moi de vous raconter la véritable histoire. Je la tiens de source sûre.

Un soir, au bout du quai de St-Jean-Port-Joli, le Nordet me l'a apprise. Le personnage n'est pas une fée nudiste mais plutôt un Elfe. Or le vent s'y connaît en Elfe car ce sont ses enfants.

Vous vous souvenez du Seigneur des Anneaux? Tolkien n'a rien inventé, il a simplement pris la dictée de Nordet, ce même Nordet du bout du quai, face à la mer. L'action débute quand finit celle de Tolkien.

Imaginez un peu la scène: l'Anneau est détruit, Sauron totalement écrasé et la paix, pour toujours, s'installe dans la Terre du Milieu. La Coalition de l'Anneau triomphante peut se dissoudre et chacun rentrer chez soi. .Les hommes de Mordor retrouveront leurs champs et leurs troupeaux et pourront continuer à chasser en toute tranquillité. Les majestueux Dendres .... nous y reviendrons plus tard.

Frodon et ses Hobbits retournent dans leur village et peuvent recommencer à vivre et à. se reproduire joyeusement dans leurs coquettes chaumières. Gandalf disparaît sur son cheval blanc et Galadriel regroupe ses Elfes. La troupe céleste et aérienne doit parcourir un long chemin pour arriver chez elle dans les lointains fjords de Norvège. Heureusement, souvenez-vous, ils sont fils du vent, le souffle créateur, donc légers et aériens. Ils peuvent se dématérialiser et se déplacer par la voie des airs comme un courant d'air. Vous comprendrez que leur voyage de retour se fit en un souffle. À leur arrivée, leurs cousins les Trolls leur apprirent qu'il se passait de drôles de choses chez les Ases; ces dieux guerriers se prélassaient dans Ies grottes de Fingall en écoutant la musique d'un certain Edvard Griegg, musique composée expressément pour eux. Imaginez l'émoi de la troupe.

La nuit tombait et ils s'approchèrent des grottes. Une musique grave et mélancolique s'en échappait avec des accents que seuls les compositeurs scandinaves savent créer. Tout à coup la musique s'emballe, une suite de danses norvégiennes arrive portée par le Vent. Leurs pieds ailés n'y tiennent plus et ils se lancent dans une. longue farandole aérienne. Ce soir là les Elfes se laissèrent aller aux plus folles figures de danse et leur exaltation atteignit un comble. Or, à l'instar de Rudolph, les Elfes deviennent lumineux dans les moments de grands émois. Leurs pieds scintillèrent de rouges et de blancs, de verts, de bleus, de jaunes, plus éclatants les uns que les autres. Leurs arabesques décrivaient, dans le ciel, d'immenses méandres  lumineux et phosphorescents. Les hommes sidérés y voyaient l'œuvre des dieux et se taisaient, recueillis et admiratifs ... un peu craintifs aussi.     
Lors d'un passage de la farandole au-dessus du St-Laurent, notre héros aperçut un Colibri poursuivi par une nuée de maringouins. Pas 20 000 comme le prétend M. Sandel. Non, dans le bas du fleuve, comme les bleuets du lac St-Jean, les moustiques sont très gros, 20 suffisent pour mettre en péril un minuscule colibri. Le demi-dieu s'en émut et décida de voler à son secours. De son puissant souffle il dispersa les poursuivants; il chercha ensuite un endroit sûr pour son protégé.

À ce· moment là, il vit un groupe de Magnifiques Dendres, leurs longs doigts de pied solidement plantés dans le sol et leurs splendides bras feuillus enserrant tout un peuple d'oiseaux, pendant qu'ils continuaient leurs graves et bruissantes conversations. Notre héros se dit: "Tiens voici un lieu magnifique pour mon colibri" ... et il y posa l'oiseau.

Mais avant de rejoindre ses joyeux compagnons, il laissa une onde de mémoire sur les lieux. Onde qu'un être sensible, comme un artiste, pourrait, un jour, capter. Voilà comment, en 2003, Paul Sandel capta l'onde et l'interpréta dans la statue du parc des Trois Bérets. Le temps avait peut-être un peu brouillé la réception, mais mon Nordet, ce soir là, a rétabli les faits.