Chapitre 7 : Les influences, de 0 à 20 ans
(en guise de parenthèse)
Un homme ne se fait pas seul. Au cours de mes 20 premières années de vie, voici l’Équipe qui m’a aidé à devenir ce que je suis.
Mon père, même s’il nous a abandonné quand j’avais 10 ans, m’a quand même transmis la fierté de mes origines et de la culture grecque. Il a éveillé ma curiosité et mon désir de voir plus loin que mon coin de pays. Il m’a initié à la langue anglaise sans le vouloir vraiment, simplement en parlant anglais avec ma mère.
Ma mère, même très dévalorisante à mon égard, m’a tout de même appris à lire, écrire et un peu à compter (mais je n’étais pas très coopératif dans ce domaine). Elle m’a transmis sa tête dure et son obstination.
Ma grand-mère m’a transmis le goût d’aimer et d’aider les autres, la clémence et le pardon. Mon grand-père alcoolique ne lui rendait pas la vie facile, mais après 60 ans de mariage elle l’aimait toujours « son vieux malcommode », comme elle disait avec un petit sourire en coin.
Mon oncle Henri, le frère de maman et un peu beaucoup notre père substitut, m’a donné son humour un peu grinçant et son ironie; une forme, chez-lui, de s’affirmer et de dire : « Vous ne m’aurez pas ».
Mes frères, à leur insu, m’ont donné une certaine patience, une certaine tolérance et un grand besoin de justice, surtout distributive. Étant l’aîné, je les ai souvent vus obtenir en même temps que moi des privilèges que j’avais attendus des années. J’en ai conçu une profonde répulsion face à l’injustice et à l’inégalité.
Voilà, pour ma famille immédiate.
Quant aux influences extérieures, elles furent évidemment nombreuses et parfois déterminantes.
Vers 1938 ou 39, deux touristes américaines, des institutrices du Minnesota, après avoir causé avec moi et deux copains, en anglais, sur le quai de Chicoutimi, nous avaient promis de nous envoyer des livres. Nous avions oublié cela, quand, en octobre ou novembre de cette année-là, nous avons reçu un paquet : les Minnesota Primers de 1ère, 2ième et 3ième année du primaire. Je les lus et relus à les savoir par cœur. J’avais les bases de la lecture et, un peu, de la grammaire anglaises.
Au collège, j’étais déjà bilingue et j’ai eu le privilège, pendant 6 années consécutives, d’avoir l’abbé Lachance comme prof d’anglais. Il s’est vite rendu compte que je lisais pendant son cours, au lieu de s’en offusquer, il m’appela à son pupitre, avec Raoul Desjardins dont l’anglais était la langue maternelle, et nous dit que nous pouvions lire pendant son cours…mais qu’il choisirait lui-même nos lectures. Bien sûr, nous devions faire les travaux et passer les examens comme tous les autres, mais quel merveilleux voyage il nous a fait faire à travers toutes les époques et les styles de la littérature anglaise. D’où il est maintenant, il sait toute la reconnaissance que je lui voue. Les larmes me viennent encore aux yeux en écrivant ceci.
M. Langis, dont j’ai parlé au cours du chapitre 6, m’a contraint, pour survivre à ses exigences, à développer une méthode de travail qui m’a bien servi toute ma vie professionnelle et qui me sert encore.
Enfin, je ne voudrais pas terminer cette parenthèse sans mentionner l’abbé Labrecque, l’aumônier du Cercle des jeunes naturalistes, qui a su nourrir ma curiosité sur les questions de la nature et me donner une façon de chercher et de classer les découvertes.
L’abbé Saint-Georges, pendant 6 ans mon directeur de conscience, a su tempéré ma fougue mais sans l’étouffer et fut un bon contrepoids, avec ma grand-mère, à l’influence dévalorisante de ma mère qui me prédisait toujours l’échec de tout ce que j’entreprenais, me reprochant d’être trop comme mon père.
Ces gens m’ont aidé à me bâtir et je les en remercie, même ma mère qui m’a tout de même, par la lecture et l’écriture, donné la poutre qui m’a permis d’asseoir mes bases et de me développer.