lundi 14 juin 2010

À Paul Sunstone

Dark eyes




Un poète ukrainien, Yevhen Hrebinka, a écrit “Les yeux noirs » publié en 1843 dans la Literaturnaya Gazeta, les mots furent mis en musique, en 1884, par le compositeur allemand Florian Hermann.  Depuis, Chaliapin, Django Rheinhardt, Bob Dylan et plusieurs autres ont chanté  les yeux noirs.
« Des yeux noirs, des yeux pleins de passion !
Des yeux ravageurs et sublimes !
Comme je vous aime, comme j'ai peur de vous !
Je sais, je vous ai vus, pas au bon moment !
Oh, non sans raison vous êtes plus sombres que les ténébres !
Je vois de la peine en vous pour mon âme,
Je vois une flamme victorieuse en vous
Dans laquelle brûle mon pauvre coeur.
Mais non je ne suis pas triste, il n'y a pas de chagrin
Mon destin me réconforte.
Le meilleur que dieu nous a donné dans la vie,
Je l'ai sacrifié pour ces yeux de feu !»
Pourquoi cette fascination pour les yeux noirs?  Des yeux bleus ont dit souvent qu’ils sont d’acier ou de glace, sauf, bien sûr, ceux de Thérèse; les yeux pers sont déroutants et réservés aux déesses.  Les yeux gris?  On n’en parle pas en littérature même si l’on y trouve « une jument aux yeux verts ».  Les yeux bruns laissent indifférent même s’ils présentent un petit air mystérieux et changent de ton selon l’éclairage ambiant.
Mais les yeux noirs sont insondables à l’instar de l’eau noire des lacs profonds ou réputés sans fonds comme certains de nos lacs laurentiens.  Ils font un peu peur quant ils deviennent encore plus noirs sous l’effet de la passion; certains y voient un reflet de Lucifer, d’autres, une annonce d’orage imminent, d’autres encore de la lubricité affirmant qu’ils deviennent d’un noir spécial sous l’effet du désir charnel. 

La jeune fille sur la clôture, trouvée sur le Blog Café Philos de Paul Sunstone un californien  de Los Angeles, serait-elle moins mystérieuse si ses yeux eussent été bleus ou bruns?   Tant de questions se posent : elle s’assied ou se prépare à partir? Elle a peur ou elle désire ardemment quelque chose…qui s’en vient ou qui s’en va?  A-t-elle peur, est-elle fâchée ou intriguée?  Que regarde-t-elle avec tant d’intensité? D’abord, est-elle si jeune que cela?
Elle ne porte pas, à l’évidence, de brassière mais les seins ne sont pas ceux d’une jeune fille ce me semble.

Son regard trouble par son intensité et son absence apparente de direction.  Les yeux s’orientent vers la gauche mais, en même temps, ils ne semblent pas regarder vers l’extérieur.

Tout, ici, est intérieur, au fond, le corps est accessoire.  Le créateur nous invite à intuitionner une action intérieure, à solutionner un mystère caché dans l’insondable des yeux noirs.  Je sens obscurément que la dame veut qu’on respecte son secret et je le respecterai.
Paul Costopoulos, jeudi, 10 juin 2010